Première nuit à couver sous les cendres du couvre-feu. Après une journée à recouvrer les créances de boites mourantes dont on ne peut plus joindre les dirigeants accablés et peureux de prendre les appels. Je suis payée à l’heure de ce pauvre labeur. Une fois sortie je plonge dans l’horreur frénétique du Quartier des Grands Magasins où les valeureux Chinois ont laissé la place aux Gens. La circulation est atroce, le bruit plus fort qu’avant, quand nous étions heureux. Je me précipite dans les viscères du métro où tout est plus doux et finalement propre, où plus personne ne se regarde. Je ne chasse plus la buée pour lire mon livre un peu lourd, un peu trop gros de mots, un obèse. Je n’ai plus envie de lutter, le masque a défoncé ma vie, ma peau, mon regard et mon souffle. De toutes façons il vaut mieux rentrer en étant sure d’avoir tout prévu avant que tout ne ferme. La bouteille, la baguette, les clopes, on se fera des pâtes. Je joue avec la petite chatte noire et je m’endors trop tôt à cause du vin et de l’ennui et à 5 heures je me réveille barbotant dans la sueur de la journée même pas née de tout un tas de cauchemars que je vais oublier.