Comment on dit quand on a perdu comme une mère ?
Une super Nana qui m’a enseigné
à vivre à Paris, ses codes, son histoire, dans le plus bel appartement
à siffler de toutes mes forces
à rire, à s’autoriser l’outrage, à penser autrement
à se coucher tard,
à dire des gros mots, à comprendre l’argot, à se tenir à carreaux
à se laisser envahir par la musique inquiétante qui bouleverse
à attendre son retour, d’un travail immense qui s’appelle l’Edition
à dresser les plus belles des tables, le protocole, le détail
à préparer des festins parisiens tout au long du marché Montorgueil,
à choisir ce qu’il a de meilleur, à se donner du mal pour le bon
à imaginer, que tout soit beau, pour les autres, envisager l’ensemble
à servir parfaitement à un dîner,
à éreinter sans pitié la maquette d’un journal, le style d’un article, tout de la médiocrité
à chercher le sens précis d’un mot dans le Robert, à étudier, à toujours chercher
à écouter les ivrognes, à fermer sa gueule, à être intelligente
à se rendre à l’église même quand l’envie manque
à se lever le matin quand on voudrait crever
à envisager une autre vie, d’être une autre femme, d’être comme un homme pourquoi pas, d’être juste soi-même