J’avais le coeur en marmelade, je voulais follement me souvenir de quelque chose de doux comme la nuque en frison d’un frère, un moment de l’enfance édentée, bien avant les loups, le beurre et la mort de mère-grand.
J’ai pensé à une blanquette de veau et ses câpres flottant dans la sauce au citron et à Lucien Jeunesse à l’heure de l’apéro, c’est beau, c’est si net cette table du dimanche et je suis toute pure d’être allée à la messe.
Les grands prennent le café sur le balcon ensoleillé surplombant le quai de Stalingrad, à cette époque des péniches passent et l’île Saint-Germain est un grand potager, un repaire de ferrailleurs, à cette époque l’usine Renault fait encore vrombir sa sirène à l’embauche.
Les grands ont sans doute des soucis mais ils nous semblent heureux, ils nous demandent parfois de nous taire un petit peu.
Aujourd’hui j’ai souvent peur, je pense, bien plus peur qu’eux hier.