TitaBlogskaïa

Archive for avril 2014|Monthly archive page

Madrigal

In Uncategorized on 28 avril 2014 at 8:51

« J’ai hérité d’une sombre forêt où je me rends rarement. Mais un jour, les morts et les vivants changeront de place. Alors la forêt se mettra en marche. Nous ne sommes pas sans espoir. Les plus grands crimes restent inexpliqués, malgré l’action de toutes les polices. Il y a également, quelque part dans notre vie, un immense amour qui reste inexpliqué. J’ai hérité d’une sombre forêt, mais je vais aujourd’hui dans une autre forêt tout baignée de lumière. Tout ce qui vit, chante, remue, rampe et frétille ! C’est le printemps et l’air est enivrant. Je suis diplômé de l’université de l’oubli et j’ai les mains aussi vides qu’une chemise sur une corde à linge. »

Thomas Tranströmer
Extrait de « Baltiques » 1954-2004

Il n’y a pas de paradis

In Uncategorized on 28 avril 2014 at 8:51

(…)

Je dénonce ma vie et j’y reste

par désarroi ou par malice,

par vaillance et par sot plaisir.

Je me déjuge et me dénude.

Je me déborde, inachevé.

Je me dénombre, impossible.

Je ne sais plus ce que je cherche,

poursuivant sans avancer

une ascension parmi la terre

jusqu’à la source incertaine,

par le désert et les orages,

parmi les feux et les nuées,

sans renfort, sans reprendre haleine,

d’une dérive à l’autre dérive

et toujours dans l’angle inscrit.

(…)

 

André Frénaud

Extrait de « Sans avancer »

Il n’y a pas de paradis – 1943-1960

La Guerre sainte

In Uncategorized on 28 avril 2014 at 8:45

(…)

« Vous devinez maintenant de quelle guerre je veux parler.

Des autres guerre – de celles que l’on subit – je ne parlerai pas. Si j’en parlais, ce serait de la littérature ordinaire, un substitut, un à-défaut, une excuse. Comme il m’est arrivé d’employer le mot « terrible » alors que je n’avais pas la chair de poule. Comme j’ai employé l’expression « crever de faim » alors que je n’en étais pas arrivé à voler aux étalages. Comme j’ai parlé de folie avant d’avoir tenté de regarder l’infini par le trou de la serrure. Comme j’ai parlé de mort, avant d’avoir senti ma langue prendre le goût de sel de l’irréparable. Comme certains parlent de pureté, qui se sont toujours considérés comme supérieurs au porc domestique. Comme certains parlent de liberté, qui adorent et repeignent leurs chaînes. Comme certains parlent d’amour, qui n’aiment que l’ombre d’eux-mêmes. Ou de sacrifice, qui ne se couperaient pour rien le plus petit doigt. Ou de connaissance, qui se déguisent à leurs propres yeux. Comme c’est notre grande maladie de parler pour ne rien voir. (…) »

René Daumal

De chair et d’ambre

In Uncategorized on 28 avril 2014 at 8:43

Il ne faut pas s’inquiéter et savoir me lire : si je ne suis pas ici, je suis toute à la vie. Elle me cherche, me tend ses bras de peau neuve, elle ne me laisse plus dormir, ni tourner en rond à fouiller des poèmes. Comme un mot chasse l’autre, comme je sens le froid quand je dévêts un homme de mon amour pour en habiller un autre. Je n’oublie rien, je le glisse dans l’ambre, pour le porter toujours en médaillon précieux.