Des cafés de Paris que j’aimais, agonisants, en marge de la modernité, vaincus puis repris, devenus prétentieux et chers, à thèmes, à propre ambiance, grimés en boudoirs, rouges comme des bordels, où on s’assoit sur des poufs en faux galuchat, entourés d’écrans plats. Le comptoir, escamoté, réservé au service, encombré de plantes synthétiques bêtes à pleurer, adieu flipper, adieu juke-box, depuis longtemps. Voici la salle unique, la musique lourdement imposée, le loufiat chafouin et désinvolte, l’attente, la prise d’otage sur les banquettes. Au café, je préfère rester debout, contre le formica, sur le zinc anonyme, où boivent encore des poivrots larmoyant dans leur gitane, où les habitués à peine arrivés sont déjà servis et se passent le relais dans le volèttement des journaux, la radio qui grésille, le marc jeté dans le fracas, les pyramides d’œufs durs et la salière trônant.