TitaBlogskaïa

Diabolo menthe

In Uncategorized on 22 août 2013 at 7:28

Tu te souviens de nos onze ans. Oui. Alors raconte pour voir. Quand je suis arrivée d’Iran en janvier 1979, débarquant à Paris, à l’Institut, tu es la seule qui soit devenue mon amie. Tu t’étais prise d’affection pour moi. Tu m’entourais, souviens-toi comme tu étais malicieuse avec tes cheveux courts et tes yeux verts, nous riions. Tu me trahissais parfois avec ces pestes livides de notre classe, il est vrai vous aviez des particules, affectives. Je me souviens de cette peine qui s’attablait alors à notre pupitre commun nous transformant en étrangères tout à coup et qui plombait le bleu marine de notre uniforme jusqu’au-delà des cours. Dès le début, je n’étais sûre de rien. J’étais seule mais j’aurais dû rester plus souvent près de moi. Pour l’harmonie parfois, j’ai des élans christiques, je partage mes carambars et réserve des places à la cantine. Et vous m’aimiez un peu pour cet aveu de désirer que les choses changent. Malgré elles. Quelle folie. Toutes ces filles de l’école de filles. Vous étiez un peu méchantes, à vous piquer vos gommes multicolores, vous étiez un peu mesquines à force d’être parquées entre vous dans vos vêtements de bonnes familles. Mais j’aimais venir dormir chez toi. Dans ce quatuor de femmes. Ta mère, digne et fauchée, qui picolait un peu. Tes deux sœurs. Toi au milieu. On mangeait des œufs à la coque dans la petite cuisine, ta mère debout nous houspillait tout en beurrant des mouillettes. Et puis le bain et ensuite les secrets que nous échangions avant d’être emportées par le sommeil. Un jour ta mère avait lu ton journal Holly Hobby. Tu y avais écrit que tu la détestais. Elle t’avait demandé des comptes. La mienne n’aurait jamais fait ça. C’est moche. Ta grande sœur avait un blouson Teddy rouge. Elle m’avait dit en nouant sa queue de cheval : les garçons aiment les filles sportives. La frimeuse. Vous aviez des tas de cousins que vous retrouviez dans votre maison de famille en Normandie et je vous enviais vos soirées et vos immenses plages. J’avais offert un foulard à ta mère. Un foulard vert, soyeux comme l’eau d’une mare, acheté avec mon argent de poche dans une boutique de la rue Mouton-Duvernet. Quelle fierté de lui tendre le paquet lorsque vous m’aviez une fois de plus invitée. Tu es restée une amie fidèle. Lorsque je me perdais, tu m’as toujours fêtée. Tu t’es mariée. Tu m’as présenté tous tes bébés ou presque, tu vois, ça fait un bail.

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